Rencontre avec les créateurs de Coco, Lee Unrich et Darla Anderson
Quelques jours après la présentation presse de Coco, nous avons été conviés au junket du nouveau film d’animation Pixar. Le rendez-vous était pris le mardi 14 novembre 2017, dans l’un des grands palaces parisiens.
Pile à l’heure, nous voilà installés dans le salon Auguste Boppe de l’hôtel Peninsula de Paris, buffet sucré à la clé, pour rencontrer Lee Unkrich (le réalisateur) et Darla K. Anderson (la productrice)
Quelle a été la chose la plus difficile à animer dans ce film d’animation ?
Pour nous, c’était surtout les squelettes car nous n’avions jamais fait ce genre d’animation auparavant et nous voulions vraiment qu’ils soient sympathiques et attachants. De vrais personnages, pas ceux qui nous effraient. De ce fait, aussi bien nous que les équipes d’animation, avons passé beaucoup de temps lors des recherches pour donner une vraie présence physique aux squelettes et pour les montrer d’une façon unique.
Comment avez-vous travaillé sur la musique et en quoi était-ce différent d’un film « normal » ?
Ça n’a, en réalité, pas du tout commencé comme ça pour nous. Nous n’avons jamais vu Coco comme une comédie musicale et c’était avant tout un film avec des chansons. Tout a effectivement commencé lorsque nous sommes allés au Mexique, où nous avons tellement aimé la musique et les différents styles que nous nous en sommes inspirés pour la conception de ce film.
Nous avons beaucoup pensé aux Frères Cohen et leur film O’Brother. C’est un modèle pour Coco car la musique fait partie de son ADN sans être une comédie musicale. Comme notre histoire parlait de musiciens et de chanteurs, c’était une évidence pour nous qu’à un moment les personnages devaient chanter sans toutefois le faire comme dans une autre comédie musicale.
Dès le choix d’un film musical, la chanson « Remember Me », qui est la chanson centrale du film, vous est-elle venue d’emblée à l’esprit ?
L’idée est venue très tôt dans notre cheminement et on avait le souhait de proposer une chanson qui serait chantée d’une manière différente tout au long du film. Nous avons ainsi appelé Robert et Kristen Lopez (compositeurs des chansons du film La Reine des neiges) car nous étions fans depuis longtemps et des amis de longue date, pour leur proposer un challenge « Créez-nous une chanson qui pourrait être chantée tantôt de manière exubérante comme au début du film et tantôt plus douce, comme on pourrait la chanter à un bébé ». Nous n’avions pas de titre, juste cette idée là.
Ils ont proposé Ne m’Oublie Pas (Remember Me en VO). Cette chanson est restée présente depuis le début, malgré l’évolution du film.
Même si le scénario avait beaucoup changé, cette chanson est toujours restée en trame de fond et nous savions précisément ce que nous voulions amener, ce qui n’a pas changé. Certains réalisateurs nous ont même demandé comment nous avons fait pour la rendre si jolie et inoubliable, même après la fin de la séance.
Au-delà du message de transmission, de la quête de ses rêves et de ce qu’on doit faire pour y arriver, comment avez-vous abordé le thème de la mort ? Aviez-vous prévu des moments plus intenses pour Miguel ou avez-vous épuré pour la version finale ?
Nous n’avons pas trop changé le scénario. Nous savions que la mort ferait forcément partie du récit, vu que nous abordions la thématique forte de « Día de los Muertos ». Il était évident d’en parler mais il était aussi évident pour nous de ne pas faire une histoire sur la mort.
Nous avions fait une première version où un petit garçon avait perdu un être cher et il cherchait à faire son deuil. L’histoire tournait autour de cet adieu, du départ de quelqu’un qui nous manque, mais elle était trop courte.
Nous nous sommes rendu compte que le thème de Día de los Muertos était le contraire de tout ça. Nous devions nous focaliser sur la mémoire des êtres disparus, pas sur le deuil. La précédente histoire était trop américaine, trop influencée par la culture de l’ouest, alors que nous voulions une vision beaucoup plus familiale et plus mexicaine, sur le fait de ne jamais oublier.
En quoi pourriez-vous différencier et comparer le Monde des Morts de celui des Vivants ? Et lequel est votre préféré ?
Pour faire le monde des vivants, nous avons visité pas mal de petits villages au Mexique. En observant la beauté des lieux, nous voulions la reproduire de manière très horizontale pour que, lorsque nous entrions dans le pays des ancêtres, tout paraisse extrêmement vertical, coloré, et que cela puisse exploser à l’écran.
Nous voulions jouer sur ce contraste : dans le monde des vivants, les couleurs sont assez limitées avec beaucoup d’orange, des flammes de bougies, des pétales des fleurs… pour que, lorsque nous passions dans le monde des ancêtres, la palette se fasse plus large avec d’autres couleurs ; un peu comme Dorothée qui découvre le Pays d’Oz.
Nous sommes allés dans la véritable ville de Santa Cecilia, au Mexique. C’est magnifique. Mais comme nous ne sommes pas encore allés dans l’autre monde, difficile de dire lequel serait notre préféré.
SPOILERS : Pourquoi avoir choisi Coco comme titre, alors même que le personnage de Mamà Coco possède un rôle si limité dans le film ?
C’est vrai qu’elle a un petit rôle mais il est quand même central. Nous aimions dans ce titre son côté énigmatique. Lorsque le spectateur l’entend pour la première fois, il ne sait pas ce qu’il signifie et ce qu’il raconte. Il découvre plus tard que Coco est l’arrière-grand-mère de Miguel et malgré son petit rôle, elle reste un élément clé du récit.
Comment avez-vous réussi à doser correctement l’émotion dans votre film ?
On ne sait jamais comment l’amener réellement et je pense qu’on a eu de la chance. Nous avons essayé de raconter une histoire et de trouver le bon mélange entre les personnages que les spectateurs vont aimer et des idées un peu universelles qui touchent tous les êtres humains. Si on peut trouver le bon équilibre entre ces deux parties, on a alors la recette. Mais là encore, nous avons eu beaucoup de chance pour que les gens soient émus à la fin.
Il a fallu que nous donnions de la place aux scènes pour les laisser respirer. La scène de fin, où la plupart des gens vont s’émouvoir, est une scène plutôt lente et qui se déroule doucement. On a laissé l’émotion s’installer et venir à ce moment-là.
Nous avions au début du processus une scène assez similaire à la version finale et les spectateurs pleuraient exactement au même endroit.
Pourquoi autant de temps entre Coco et Toy Story 3 ?
Il nous a fallu beaucoup de temps pour faire ce film : 6 ans entre le moment où nous avons présenté l’histoire en septembre 2011 et jusqu’à aujourd’hui. Tout est long : la recherche, l’écriture, la création du design satisfaisant pour en faire un grand film, la bonne animation, le monde des ancêtres, les squelettes… Nous visions une sortie pour Noël et c’était très important à nos yeux.
Nous savions que l’animation prendrait du temps. Paradoxalement, le temps passait très vite car nous étions constamment occupés. Il nous est arrivé en plein milieu du processus de nous dire qu’il ne nous restait que 3 ans et demi pour finir tout ce travail.
Avez-vous déjà pu voir les premières images de Toy Story 4 et Les Indestructibles 2 ?
Oui et je peux vous dire qu’ils sont en bonne voie. Des équipes très talentueuses travaillent actuellement dessus. Un premier teaser des Indestructibles 2 va arriver très prochainement (ndlr : il est déjà disponible au moment où vous lisez ces lignes).