Qui est Thanos, le Titan Fou ?
Thanos. Si vous avez vu Avengers : Infinity War et Avengers : Endgame, l’évocation de son nom vous effrayera immédiatement. Il s’agit de l’un des plus grands méchants de Marvel, probablement du cinéma aussi après son adaptation sur grand écran. Le Titan Fou, comme il est régulièrement surnommé, fascine autant qu’il terrifie. Charismatique, c’est un être pragmatique et censé, extrêmement complexe mais aussi souvent malléable car son rôle ne cessera de changer selon les besoins scénaristiques des auteurs de comics.
Thanos a connu un début modeste, souvent relégué parmi les méchants de seconde zone
C’est à Jim Starlin, scénariste et dessinateur américain de comics, que l’on doit la création de Thanos. Inspiré directement du personnage de Darkseid que Jack Kirby a créé chez DC Comics, il verra le jour en février 1973 dans Iron Man 55 dont le jeune scénariste de vingt-quatre ans avait la charge. Il en profitera pour introduire Drax le Destructeur et Mentor, le père de Thanos.
L’origine de Thanos remonte aux Célestes, une race extraterrestre qui avait fait des expériences sur les premiers habitants de la Terre. Deux espèces ont alors émergé. D’un côté les Déviants, qui étaient le penchant malfaisant, et de l’autre les nobles Eternels. Mentor finira par quitter la Terre pour s’établir sur Titan, une des lunes de Saturne.
Le Titan Fou est ainsi né de l’union de Mentor et Sui-San. Il a un frère dénommé Eros (on sent bien les influences de la mythologie grecque où Eros est le dieu de l’amour et de la puissance créatrice tandis que Thanatos est la personnification de la mort). Il s’agit ainsi d’un Eternel, même si son corps est physiquement marqué par une malformation génétique héritée des Déviants. En effet, sa peau rocailleuse et sa pigmentation violette sont une anomalie inquiétante pour des êtres réputés comme parfaits. Ces caractéristiques le priveront de la succession de Titan, qui sera attribuée à son frère. Pire encore, dès sa naissance, sa mère tentera de le tuer sous prétexte d’avoir détecté sa malfaisance naturelle. Ironiquement, cet événement le marquera profondément et ne fera plus tard qu’accentuer sa malignité… triste sort pour un enfant calme et doux.
Lors de sa première apparition, Thanos fabriquera une arme, le crime ultime sur Titan qui le fera bannir par Mentor (son père donc, vous suivez ?). Fou de rage et cherchant les faveurs de la Mort qu’il cherche à impressionner et à séduire, il reviendra des années plus tard pour pulvériser sa planète natale.
Thanos fera de nombreuses petites apparitions dans les années 70 et combattra de nombreux adversaires, se retrouvant régulièrement face à Drax le Destructeur (son origine remonte au Titan Fou, puisqu’il fut créé par Mentor pour l’abattre) et surtout, Captain Marvel (Mar-Vell de son vrai nom), un Kree rebelle envoyé sur Terre par les Quatre Fantastiques. Fait notable qui montre bien l’ambivalence de Thanos : au moment de la mort de Captain Marvel, dans le comics La mort de Captain Marvel sorti en 1982, il apparaîtra pour apaiser ses tourments.
Thanos entretient une relation particulière avec Adam Warlock, un humanoïde artificiel imaginé par Roy Thomas, tour à tour allié et ennemi, dont Jim Starlin en aura la charge à partir de 1974. Warlock est également à part parmi les personnages de la Maison des Idées. L’éducation catholique de Starlin influence beaucoup la création du personnage, qui se retrouve en proie à ses contradictions. Le dessinateur utilisera la puissance de la pierre logée sur son front comme source d’un pouvoir obscur qui tentera plusieurs fois de le corrompre. Plus tard, on découvrira qu’il s’agit du Joyau de l’Âme (ou Pierre de l’Âme dans le Marvel Cinematic Universe), le fameux artefact cosmique central dans les intrigues cinématographiques. Avec son pouvoir, et preuve en est de la puissance du personnage, il parviendra à vaincre Thanos en le transformant en granit. En fin de compte, il est aussi le seul à connaître le vrai point faible du Titan, comme il le lui fait remarquer dans Infinity Gauntlet (« Par trois fois, tu as triomphé de tous les obstacles pour réaliser tes désirs. Par trois fois, ton subconscient a fourni à l’adresse l’instrument de ta défaite »). Warlock sait que Thanos ne se sent pas digne des Joyaux, ce qui finit par le mener à chaque fois à la défaite… et que son plus grand ennemi n’est autre que lui-même.
La renaissance de Thanos le mène à sa consécration
Malgré quelques apparitions remarquées, Thanos sombrera vite dans l’oubli. Il renaîtra en février 1990 dans Silver Surfer 34 grâce à son créateur, Jim Starlin. Dans ce comics, le Surfeur d’Argent fait un rêve dérangeant dans lequel il se retrouve dans la maison de la Mort. Il assiste à l’ouverture d’un cercueil duquel surgit Thanos, réveillé pour rétablir l’équilibre entre la vie et la mort. Manipulé et toujours fou de la Mort, il accepte sa mission et part à la destruction de la moitié de la galaxie. Thanos apparaît sur son trône volant, plus robuste et large qu’à ses débuts, pour marquer la puissance et la menace du personnage. C’est le début du comics culte Le Gant de l’Infini, qui mènera à la renommée du personnage et qui est considéré aujourd’hui comme l’une des meilleures sagas de Marvel.
En 1991, les sagas cosmiques ont le vent en poupe et Jim Starlin continue d’explorer son personnage fétiche. Dans Le Gant de l’Infini, Thanos dispose du fameux gant et de l’ensemble de ses gemmes. Son pouvoir est ainsi équivalent à celui d’un dieu, pouvant décider de la destruction de quiconque – et de n’importe quoi, d’un simple claquement de doigts. Plutôt que d’agir par instinct, le Titan Fou préfère alors attendre stratégiquement et se pose pour peser les conséquences de ses actes. L’univers Marvel est alors au bord de l’explosion. Warlock se retrouve piégé dans la Gemme de l’Âme et seuls quelques héros s’en sortent pour tenter de renverser la situation. La fin du Gant de l’Infini verra Thanos se retirer et devenir paysan, un dénouement inattendu pour le personnage mais lourd de significations. Deux suites verront le jour : La Guerre de l’Infini et La Croisade de l’Infini. Trois autres personnages vont connaître l’apothéose dans cette trilogie : le Magus, double maléfique d’Adam Warlock, Drax le Destructeur et… Gamora, la fille adoptive de Thanos et la femme la plus dangereuse de l’univers. Pip le Troll, un prince extraterrestre, y tient également la dragée haute.
Adam Warlock sera enfin contraint de devenir un dieu pour stopper Thanos. En se libérant de toutes les notions de bien ou de mal, il donne naissance au Magus sa version « virile, résolue et débridée », sa « haine déchaînée » selon ses propres termes. Plus tard, Nebula, pirate de l’espace de son état, mettra la main sur le gant et Thanos s’alliera avec les Avengers pour l’arrêter. Dans Warlock and the Infinity Watch, sorti directement après Infinity Gauntlet, Thanos est contraint de se rendre aux héros et avertit Warlock de l’existence de son double maléfique. A nouveau, sa facette ambivalente et hautement contradictoire se ressent.
Le Titan Fou passera aux mains d’autres auteurs dont Dan Jurgens et le légendaire Brian Michael Bendis, l’auteur d’Alias qui verra naître Jessica Jones, de la saga House of M et de Civil War II. L’évolution de Thanos sera ainsi totalement altérée et renouera avec ses traits d’origine. Thanos combat ainsi Thor, le Dieu du Tonnerre en 1998 qui mènera vers la destruction de la planète Rigel-3. Cette nouvelle version du Titan fut peu appréciée et lorsque Jim Starlin eut l’opportunité de corriger le personnage, il ne se fit pas prier : dans Infinity Abyss, il attribue les faits à un double Déviant de Thanos.
Qui est Thanos dans Avengers : Infinity War ?
Après six ans d’attente depuis sa première apparition dans le Marvel Cinematic Universe, Thanos apparaît enfin au premier plan dans Avengers : Infinity War. Cette version, incarnée par Josh Brolin, possède de nombreuses similarités avec la création de Jim Starlin. Outre sa force et sa fureur démente, les scénaristes Christopher Markus et Stephen McFeely ont fait le choix de rester fidèle au personnage. Il ne s’agit pas d’un méchant basique, motivé par des désirs de destruction ou de contrôle.
Thanos a une mission et il croit fondamentalement à son bien-fondé. On retrouve ainsi les notions d’équilibre entre la vie et la mort, déjà abordées dans Le Gant de l’Infini. Le Titan est alors tiraillé entre son désir de réussite et ses propres sentiments, mais sa volonté plus forte l’entraîne à faire des choix sans aucune concession. Cette itération du colosse ne fait aucunement mention à son amour de toujours, la Mort. Il ne cherche pas à s’attirer ses faveurs et de ce fait, son développement est aussi plus réaliste que dans les comics.
Porté à l’écran, Thanos devient fascinant, plus menaçant encore qu’il ne l’était à ses origines. Au fond, c’est son humanité qui surprend. Il souligne des problématiques définitivement modernes et actuelles : le partage des ressources, les déséquilibres des populations… Il possède en réalité des traits qui le rapprochent des super-héros Marvel classiques, puisqu’il souhaite faire passer le bien commun au-dessus du bien personnel. Respectueux du travail de Jim Starlin, le Thanos des films est conforme à la vision de son créateur : un être en dualité perpétuelle, fascinant, parfois attachant, et surtout, terriblement humain. Non sans regret, il fera remarquer à plusieurs reprises que le coût pour obtenir les Pierres d’Infinité est bien élevé… mais le sacrifice est nécessaire. Dans d’autres circonstances, et peut-être vu sous un autre angle, Thanos aurait pu être lui aussi un héros.