Harry Potter aurait pu être une licence Disney !
Si les attractions basées sur Harry Potter sont aujourd’hui associées à Universal, puisqu’il est possible de visiter le monde des sorciers dans pas moins de quatre de leurs parcs dans le monde, l’histoire est en réalité toute autre. En revenant sur plus de vingt ans de négociations et de rendez-vous manqués, nous vous expliquons en quoi Harry Potter s’est davantage retrouvé associé à Disney qu’à Universal !
Disney Publishing aurait pu éditer les livres aux USA
En octobre 1997, le livre du premier volet de la saga du sorcier, Harry Potter à l’Ecole des Sorcier, arrive dans les mains de Disney Publishing Worldwide qui se voit proposer de l’éditer sur le territoire américain. Lisa Holton, à la tête de la maison d’édition de Mickey, ne sentit pas son potentiel et le rejeta. Scholastic, Inc met alors la main dessus pour 1 500$ et le livre sera finalement disponible aux USA en septembre 1998.
A la défense de Disney, il faut garder en tête qu’à cette époque, Harry Potter était encore loin d’être le phénomène qu’il est devenu aujourd’hui, même si le livre se vendait déjà très bien en Angleterre (Bloomsbury l’a fait paraître là-bas en juin 1997) et recevait des critiques unanimes. Aucun film n’était sorti et le potentiel de la saga n’était pas encore détectable tandis que Disney n’était pas non plus le seul éditeur à avoir refusé le livre, qui passa entre plusieurs douzaines de mains différentes.
Un peu plus tard, Disney essaye alors d’acheter Scholastic, Inc., mais cette tentative se solda par un échec.
L’histoire continue d’une manière assez surprenante et en 2005, Lisa Holton quitte Disney Publishing pour rejoindre Scholastic, Inc. A cette époque, Harry Potter et le Prince de Sang Mêlé s’apprêtait à sortir en livre et les trois premiers films étaient déjà disponibles (le quatrième volet, Harry Potter et La Coupe de Feu est arrivé dans les salles en novembre 2005).
Walt Disney Pictures aurait pu produire les films Harry Potter
Dès 1999, les droits d’adaptations de la saga du petit sorcier se retrouvent sur le marché et sont proposés aux studios de cinéma qui se livrent une véritable guerre pour les acquérir.
Un premier blocage pour Disney apparaît : les tournages avec des enfants, qui ont la réputation d’être particulièrement difficiles. Une autre barrière, infranchissable cette fois, se dresse : J. K. Rowling a toutes sortes d’exigences, dont l’obligation d’un casting 100% anglais et veut le contrôle créatif total de l’adaptation. Alors que Disney est habitué à travailler de manière indépendante, sans avoir de compte à rendre, cette demande est inenvisageable : cela signifie également qu’ils n’auraient aucun droit sur l’histoire et les personnages, qui ne pourraient alors pas être utilisés dans les parcs. En conséquences, Disney se retire des enchères. Warner Bros, qui n’a pas ces réserves, s’empare alors des droits des quatre premiers livres et accepte les demandes de Rowling.
Disney revient à l’assaut en 2001, après que Harry Potter à l’Ecole des Sorciers devienne le film de l’année, et tente d’acheter les adaptations restantes et les droits associés pour les parcs. Cela ne plaît pas du tout à Warner Bros qui propose rapidement une offre à l’auteure avant Disney, s’engage à produire tous les films de la franchise et à travailler de son côté pour la création d’une attraction.
Les parcs Disney auraient pu avoir leur propre univers Harry Potter
Warner Bros développe rapidement son attraction, Harry Potter Movie Magic Experience, qui ouvre à Warner Bros Movie World en Australie en décembre 2001. L’attraction emmenait les visiteurs à travers les reproductions de plusieurs décors des films : le Poudlard Express, le Chemin de Travers, la cabane de Hagrid, la chambre de Harry… De nombreux éléments ont été ajoutés à la sortie de Harry Potter et la Chambre des Secrets dont un animatronique d’Aragog. L’attraction n’eut pas le succès escompté et son développement, qui devait se compléter avec la sortie des autres films, stagna. L’attraction ferme ses portes en 2003 et Warner Bros pense alors à revendre les droits à Disney.
En juin 2003, J. K. Rowling et Disney signent ensemble une lettre d’intention et entrent en contact pour ajouter Harry Potter à Magic Kingdom, à Walt Disney World. Pendant seize mois, Imagineering avance sur le projet avec difficulté et laisse l’auteure déçue par les petites ambitions des équipes de Disney. Le land dédié à Harry Potter était prévu pour une petite section de Fantasyland, avec deux attractions : un concept proche de Buzz Lightyear Space Ranger Spin (Buzz Lightyear Laser Blast à Disneyland Paris) avec des baguettes et une rencontre avec Buck, l’hypogriffe. Poudlard ne devait être présenté que sur la façade de l’attraction principale et le Chaudron Baveur n’aurait été qu’un restaurant extérieur à service rapide.
J. K. Rowling répond avec une liste de doléances et de corrections à effectuer pour la satisfaire. Le Chaudron Baveur devait être l’entrée de ce nouveau land et devait mener vers l’attraction principale, dans une section séparée du reste du parc. Imagineering reprend alors le concept du début plusieurs fois, mais les plans sont systématiquement rejetés par la créatrice de Harry Potter. Pour la troisième présentation du concept à Burbank en 2004, Imagineering propose une nouvelle attraction : un spinning ride avec le Choixpeau Magique (surnommée « Dumbo-dore » à cause des similarités avec la célèbre attraction de Fantasyland). Cette idée déplaît totalement à Rowling et les deux parties se retrouvent dans une impasse. Warner Bros organise rapidement une rencontre avec Universal en expliquant que Disney ne comprend pas l’envergure du projet et ne sait pas respecter le matériau d’origine.
En 2005, les équipes d’Universal se rendent à Londres avec un tonneau de bière-au-beurre et de nombreux concepts. Jo est impressionnée… même si tout était à refaire : le plan de Pré-au-Lard était faux, les boutiques étaient trop grandes, les allées trop larges… Après trois jours de travail, Universal était prêt à corriger le concept, mais n’avait pas encore signé de contrat avec elle. Ils se quittent néanmoins en bons termes.
La fin de la collaboration entre Disney et J. K. Rowling
En juin 2005, Rowling revient chez Disney et montre directement les plans à Bob Iger, sur le point de devenir CEO de la Walt Disney Company. Il écoute ce qu’elle a à lui dire et accepte de revoir le projet pour lui donner plus d’ampleur. A la fin du meeting et après son départ, énervé et peu satisfait par cette entrevue, il déclare le pitch d’Universal comme insensé et s’apprête à tuer le projet.
Plus intéressé par l’acquisition de Pixar, plus importante à ses yeux, Bob Iger et J. K. Rowling décident d’un commun accord de rompre leur collaboration et de casser la lettre d’intention. Au printemps 2006, Universal et Warner Bros débutent alors leur collaboration et les premières rumeurs de la construction de Wizarding World of Harry Potter à Universal’s Islands of Adventure surgissent en janvier 2007. L’univers de Harry Potter ouvre à l’été 2010, le Chemin de Traverse dans le parc voisin en 2014 et fort de son succès, l’univers de Pré-au-Lard et de Poudlard seront ensuite déclinés dans les autres parcs Universal dans le monde.
Harry Potter a redéfini les standards des parcs à thème
L’acquisition de Harry Potter et la qualité de l’immersion des lands qui lui sont dédiés ont changé toute la dynamique de l’industrie du loisir, à Orlando mais aussi dans le monde. Universal est devenu un concurrent très sérieux de Disney, qui devait (doit encore ?) répliquer pour ne pas rester sur cet échec.
Harry Potter a en outre permis d’atteindre un niveau d’immersion encore jamais vu dans l’industrie du loisir : boutiques parfaitement thématisées, offre de nourriture en adéquation parfaite avec la franchise, attractions révolutionnaires…
En se concentrant sur l’acquisition de Pixar, avec les mauvaises relations entre Michael Eisner et Steve Jobs, Bob Iger a préféré prioriser la restructuration de la créativité, afin de remettre les ambitions du studio, alors en plein marasme, au cœur des priorités. Son combat se faisait alors sur plusieurs fronts et clairement, les parcs n’étaient alors pas au centre de son attention. Ce choix stratégique s’est avéré payant, quand on connaît la puissance de Disney aujourd’hui et le chemin parcouru depuis l’arrivée d’Iger à la tête de l’entreprise.
Les parcs Disney ont mis longtemps avant de réagir, mais Pandora – The World of Avatar à Animal Kingdom a prouvé en 2017 qu’Imagineering est bien capable de rivaliser avec le petit sorcier. Mickey se réveille avec une valise pleine de nouveautés, alors que l’ouverture de Star Wars : Galaxy’s Edge, la plus grande extension d’un parc jamais réalisée se rapproche (le land à lui seul peut contenir quatre fois le Wizarding World of Harry Potter d’Universal’s Island of Adventure). Avec un environnement ultra immersif, ce nouveau quartier va secouer le monde des parcs Disney… et ceux d’Universal. La concurrence a du bon, et il n’y a jamais eu de meilleurs périodes dans la vie d’un fan de parc que celle que nous vivons actuellement.