Toy Story 4, critique d’un film surprenant !

  • Réalisé par : Josh Cooley

  • Bande Originale : Randy Newman

  • Durée : 1h40 min

  • Sortie en France le : 26 juin 2019

Toy Story 4 est une surprise inattendue ! Quand l’original est sorti il y a 24 ans en 1995 (début 1996 en France), ce fut une véritable révolution. Premier film de Pixar et premier long métrage en images en synthèse, il a mis en avant un nouveau type de narration qui n’avait jusqu’alors jamais été vu. Fort de son succès, la suite est proposée quelques années plus tard, qualitativement supérieure à son aîné, puis vient Toy Story 3 en 2010, censé clôturer alors la trilogie d’un final inoubliable. Contre toute attente, Toy Story 4 débarque 9 ans plus tard pour continuer les aventures de Woody et Buzz et proposer une nouvelle fin audacieuse à la mythique saga. Si de prime abord on ne voulait pas de cette suite, on est ravi de son existence qui permet d’apporter un souffle neuf et inédit sur cet univers de jouets vivants.

Un projet de longue haleine et difficile pour Pixar

Impossible de parler de Toy Story 4 sans aborder l’actualité de Pixar de ces dernières années. Toy Story 3, onzième film du studio, est sorti en 2010, au sommet de l’âge d’or de l’entreprise créée par Steve Jobs, Ed Catmull et John Lasseter. Pixar enchaînait alors un sans-faute, avec des métrages d’une qualité rare au firmament de leur popularité : Ratatouille, Wall-E, Là-Haut Ces films ont été hissés aujourd’hui au panthéon du cinéma. Un an plus tard, en 2011, Pixar fait finalement son premier faux pas artistique avec Cars 2. La courbe des succès critiques s’inverse alors doucement et cette tendance se confirma avec Rebelle et Monstres Academy. Vice-Versa, grande réussite, montrera en 2015 que le studio n’a pas totalement perdu de sa verve. Cela n’empêchera pas le naufrage du Voyage d’Arlo, la même année, qui confirmera alors que Pixar est alors dans le creux de la vague. Suivent Le Monde de Dory, Cars 3, puis Coco qui réchauffera les cœurs en 2017, Les Indestructibles 2 et Toy Story 4. Hormis quelques exceptions, la presque décennie entre Toy Story 3 et 4 est jonchée de suites et de rendez-vous artistiques manqués, au mieux incompris. Les films Toy Story sont d’une autre étoffe : ils sont les témoins des époques du studio. Chaque sortie a marqué une étape transitoire et un changement notable dans la direction prise (1995 : révélation ; 1995-2000 : confirmation ; 2000-2010 : consécration…). Le dernier opus n’échappe pas à la règle.

Toy Story 4 est officiellement annoncé en 2014 avec John Lasseter à la réalisation. Rashida Jones et Will McCormack rejoignent l’équipe à l’écriture du scénario, prévu pour être une comédie romantique et se focaliser sur la relation entre Woody et Bo Peep (La Bergère). Le film est d’abord repoussé une fois et échange sa place avec Cars 3. Rebelote un an plus tard avec Les Indestructibles 2.  Plusieurs raisons expliquent ces retards. A D23 Expo 2017, John Lasseter, à cause de ses nombreuses responsabilités chez Disney, annonce se retirer de la réalisation pour la laisser entièrement à Josh Cooley, dont il s’agit du premier long métrage. Deux mois plus tard, Rashida Jones et Will McCormack abandonnent le navire en raison de divergences philosophiques. Les trois quarts du scénario sont alors réécrits par Stephany Folsom. Autre élément externe mais qui n’a pas eu de conséquences directes sur le film :  fin 2017 toujours, des allégations à l’encontre de John Lasseter le forcent à prendre un congé sabbatique de six mois, avant que Disney annonce finalement son départ définitif prévu fin 2018. A la même période, Ed Catmull, un autre fondateur du studio, part à la retraite après trente-deux ans de services.
Toy Story 4 marque le point de départ d’une reconstruction créative pour le studio à la lampe, qui a ainsi perdu en 2018 deux de ses illustres fondateurs (Steve Jobs plus tôt en 2011).

Toy Story 4 est le fruit d’un développement difficile : Pixar se retrouve dans la tourmente du mouvement MeToo qui a débuté avec l’affaire Weinstein, la valse des scénaristes a fait craindre du pire et cette suite était attendue avec méfiance par le public. Difficile en effet de continuer après la fin parfaite de Toy Story 3. Une véritable défiance s’installe et jamais un film d’animation n’avait été autant considéré, dès son annonce, comme l’opus de trop.

S’il revient de loin, on peut dire qu’un petit miracle créatif s’est produit. Toy Story 4 s’adresse au grand public, aux familles et aux enfants, mais en premier lieu à tous les jeunes adultes qui ont grandi avec la saga et qui ont vu le monde changer autour d’eux. Woody se retrouve inéluctablement confronté à sa plus grande peur : celle de ne plus être joué, celle de ne plus servir et par extension, celle de ne plus avoir de sens.
De nombreuses questions s’ouvrent alors : Comment se réinventer alors que le monde autour de moi a changé ? Quel sens donner à mes actions ? Et plus généralement encore : Quel sens donner à ma vie ? Le film en devient presque méta, tant ces questions s’appliquent également pour l’avenir de Pixar.

Les retrouvailles attendues de Woody et La Bergère (Bo Peep)

Les retrouvailles, par le plus grand des hasards, entre Woody et La Bergère, dont l’absence dans Toy Story 3 est enfin expliquée, est le point de départ d’une aventure humaniste qui parle de nous et de notre place dans la société. Si cet opus est véritablement celui du changement, l’histoire se concentre sur Woody dont le caractère est approfondi avec délicatesse (si vous pensiez le connaître par cœur, vous avez tout faux !). Au milieu du duo qu’il forme avec Bo, on retrouve Fourchette, nouveau personnage plein d’humour, dont la condition servira pour théoriser le propos du film.

Catalyseur et instigateur des événements qui parsèment le film, Fourchette a été créé des mains de la petite Bonnie lors de son premier jour à l’école. Fait de bric et de broc, il ne comprendra pas son statut de jouet : une mission parfaite pour Woody qui se mettra en tête de lui apprendre ce que c’est. Si le personnage est dépeint avec énormément d’humour, il porte en lui le message du film et justifie à lui seul son existence. A ses côtés, Woody apparaît comme le mentor et le guide spirituel. Fourchette lui donne l’occasion de devenir une meilleure version de lui-même, dans un film qui achèvera sa transformation ultime… la même que celle suivie immanquablement par les spectateurs qui ont grandi avec lui.
Si Buzz est un peu relégué au second plan, aucun personnage ne cherche à tirer trop la couverture sur lui. Woody se concentre sur le groupe et fait preuve d’un altruisme touchant, en cherchant sans cesse à aider son prochain. Qu’il est loin, le cow-boy de 1996 ! Vous vous souvenez de son égocentrisme, de ses craintes de ne plus être le jouet préféré d’Andy à l’arrivée de Buzz ? Il apparaît à présent sage et reste déterminé à aider Fourchette à trouver sa place dans le groupe.

Les retrouvailles de Woody avec Bo Peep bousculent notre héros dans tous les sens du terme. Woody a de l’admiration pour elle et il se rend compte que certaines de ses peurs étaient peut-être infondées. Elle veut une vie trépidante faite de surprises au contraire de Woody qui ne souhaite que le bien des autres, de son enfant et de son groupe de jouets. Elle est devenue l’opposée de lui et met en doute ses croyances et ses aspirations, elle lui ouvre les horizons et lui montre qu’il existe de nombreuses alternatives à une vie faussement tracée. Il ne faut pas avoir peur de se remettre en question, de changer de voie ou de prendre des virages à 180°. Bo rêve de voyages, d’aventures, de découvertes… Elle devient alors un véritable modèle pour lui. Quand le poids des obligations et des responsabilités commence à être trop lourd, n’est-il pas plus sain de lâcher prise et de saisir de nouvelles opportunités ? Toy Story n’a jamais été aussi profond et aussi mature dans ses propos, avec une approche philosophique rarement vue dans ce monde de jouets. 

Son message nous parvient sans tomber dans le pathos (ne cherchez pas le torrent d’émotions de Toy Story 3 à la fin de celui-ci, puisqu’il reste bien plus pudique et modéré, même s’il reste touchant) et sans méchanceté inutile. On sent la bienveillance des auteurs par rapport à leurs personnages et par rapport à leur public.

Au-delà de Fourchette, les nouveaux venus contribuent à la fraîcheur de Toy Story 4. Duke Caboom, cascadeur canadien, est particulièrement hilarant. Utilisé principalement comme ressort comique, sa fêlure le rend néanmoins plus profond qu’il n’y paraît. On découvre également la poupée Gabi Gabi, particulièrement angoissante avec les Bensons, marionnettes ventriloques de leur état, qui comptent parmi les jouets les plus effrayants de la franchise (fait étonnant : les premiers concepts de Woody ont servi d’inspiration à ses horreurs). Un dernier petit mot pour Ducky et Bunny : si le duo était mis plusieurs fois à l’honneur dans les bandes-annonces, il est en réalité peu exploité dans le film. Ce n’est pas plus mal puisque leur degré de nuisance est étonnamment élevé (la faute à la version française ?).
Hormis ce duo, les stéréotypes sont toujours évités et les personnages sont toujours justes, les bons avec leurs défauts ou les méchants avec leur douceur.

Toy Story 4 est un sans-faute artistique

A chaque nouvel opus de la saga, on peut se rendre compte de l’évolution de la technologie et de l’amélioration des graphismes. Le ton est donné dès la séquence d’ouverture avec les effets de la pluie qui laissent pantois. Réaliste et saisissante, on la sentirait presque sur notre peau. Depuis Toy Story 3, les textures, l’éclairage et la lumière ont fait un bond en avant gigantesque. Les graphismes gagnent en crédibilité tout en conservant le style d’animation propre à Pixar. 

Puisque Toy Story 4 parle des transitions et des changements qui s’opèrent quand notre vie évolue, Pixar a choisi de faire revenir à nouveau Randy Newman à la bande originale… on retrouve également Charlélie Couture comme en 1996 quand il donnait sa voix pour les chansons du film. Après avoir été oublié pour les deux derniers épisodes, on le retrouve dans l’hymne Je suis ton Meilleur Ami qui sonne à présent particulièrement nostalgique, mais aussi dans deux autres nouvelles chansons. Les musiques quant à elles restent parfaitement ancrées dans le style de la série, sans jamais s’en éloigner. Le film ne brillera pas par sa bande-son, mais elle fait parfaitement le travail et conserve les sonorités de la série.
Et qu’importe si l’on connaît le refrain, l’ivresse est bien là et les couplets sonnent comme autant de surprises. Toy Story 4 est la preuve de la force de Pixar, qui propose un quatrième volet rafraîchissant et intelligent, plus encore que son prédécesseur. S’il troque l’émotion pour la philosophie, il n’oublie pas de secouer le spectateur qui sera surpris par la nouvelle conclusion douce-amère de l’une des plus belles sagas de l’histoire de l’animation -que dis-je, de l’histoire du cinéma !

Dois-je aller voir Toy Story 4 ?

On ne voulait pas de ce Toy Story 4, et pourtant, Pixar nous prouve que nous en avions besoin ! Retrouver nos jouets préférés vivre une quête existentielle qui va les changer est une épopée bouleversante qui prend aux tripes. Ses traits d’humour ne l’empêchent pas de briller par la profondeur de son message universel, qui touchera particulièrement les jeunes adultes. Pixar signe la plus belle quadrilogie de tous les temps… et avouons-le, nous avons quelque part hâte de les retrouver dans d’autres aventures, sous une forme ou une autre.

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On a aimé

  • L’approche philosophique du film

  • Duke Caboom, un personnage hilarant et profond

  • La relation entre Bo Peep et Woody

On n’a pas aimé

  • Plusieurs personnages sont en retrait