Le retour gagnant de Jack Sparrow !

6 ans séparent la sortie de Pirates des Caraïbes : La Fontaine de Jouvence et ce nouvel opus. Après cet épisode faiblard et décevant, j’avais de grandes craintes pour le nouveau volet de la saga : Est-ce que Jack Sparrow allait être moins envahissant et l’écriture générale plus équilibrée ? Est-ce que les enjeux tiendraient cette fois le spectateur en haleine ?

La Vengeance de Salazar renoue avec l’esprit de La Malédiction du Black Pearl. Il présente de nouveaux personnages, respecte l’héritage de la trilogie originale et des films de piraterie en général. Hélas, il traîne aussi quelques errances héritées de son prédécesseur. Mais ne boudons pas notre plaisir, les pirates que l’on aime sont bel et bien de retour !

Yo-ho yo-ho vive la vie de pirates !

Dans le nouvel opus de la saga Pirates des Caraïbes, Henry Turner part à la recherche du trident de Poséidon. Son objectif : le détruire pour lever la malédition du Hollandais Volant et ainsi libérer son père Will Turner. De son côté, Jack Sparrow le souhaite pour échapper au Capitaine Salazar qui veut sa mort. Enfin, Carina Smyth, le personnage le plus charismatique de cet opus, le souhaite pour compléter la quête initiée par son père.
Les protagonistes principaux sont ainsi tous à la recherche de ce mystérieux objet, qui leur permettra de devenir Maîtres des Océans et contrôler les mers.

Le scénario, capillotracté de prime abord, est un prétexte pour réunir les anciens personnages de la trilogie originale. Avec son trio de tête (Henry, Carina et Jack), il rappelle l’équilibre de La Malédiction du Black Pearl qui reposait sur des bases simples et directes, empruntées aux codes des plus grands films de piraterie.
Comme lui, ce nouvel opus effectue de parallèles évidents avec L’Île au Trésor de Robert L. Stevenson. Dans ce film adapté par Disney en 1950 (réalisé par Byron Haskin), Steve Hawkins trouve un père de substitution dans le personnage de Long John Silver. Sa relation avec ce forban est au centre de toute l’histoire.
Dans La Vengeance de Salazar, la quête de la figure paternelle est le vrai pivot du scénario.
C’est grâce à lui qu’Henry se met en quête du sceptre, que Carina se lance à sa recherche pour compléter l’oeuvre d’un père qu’elle n’a jamais connu… Je vous passe les révélations et ne vais pas davantage vous en expliquer pour ne rien révéler, mais la similitude est plus profonde et ne s’arrête pas là.

Carina Smyth et Henry Turner sont des nouveaux personnages immédiatement attachants. Ils évoquent le couple Elizabeth Swan et Will Turner mais prennent leur propre direction. Ce vent de fraîcheur évite la redite sans trop singer la trilogie originale. Jack Sparrow est quant à lui un peu en retrait par rapport à sa trop grande présence dans le quatrième épisode. Le personnage est peu développé, même si un flashback bienvenu permet d’explorer son adolescence pour mettre en avant son lien avec Salazar. Un peu forcée et factice, cette scène plaisante permet tout de même de découvrir un Jack Sparrow comme nous ne l’avions jamais vu (à grand renfort d’effets numériques très réussis !).
Et comme nous parlons des personnages, rebondissons sur le grand méchant de cet opus : Armando Salazar.

Les morts ne racontent pas d’histoire !

Ancien membre de la Royal Navy espagnole, le Capitaine Armando Salazar (interprété par Javier Bardem) se rend dans les Caraïbes pour des raisons commerciales. Face aux pirates omniprésents, il se met rapidement en tête de tous les pourchasser et les tuer. Le boucher des océans (son surnom par le passé) finit par croiser le jeune Jack Sparrow qui fera exploser son bâteau le Silent Mary. Lui et son équipage meurt… mais reviennent à la vie, sous forme de fantômes, grâce au pouvoir du Triangle des Bermudes.

Ce nouveau personnage et son équipage rappelle à nouveau La Malédiction du Black Pearl. Sans être aussi charismatique qu’Hector Barbossa, Javier Bardem reprend quelques-unes de ses caractéristiques et arrive à lui insuffler de la personnalité et de la présence à l’écran. Il possède un passé bien étoffé mais il me semble que le personnage aurait pu être davantage utilisé et approfondi dans le film. Alors que le personnage était intéressant avec ses propres contradictions (respectable mais orgueilleux), après sa transformation en pirate, son seul objectif reste sa vengeance de Jack Sparrow. Sa personnalité est ainsi réduite à la plus simple des expressions et son utilisation devient plus mécanique. Nous sommes également à mille lieux de Davy Jones, le méchant le plus réussi et inoubliable de toute la saga.
Saluons tout de même l’intégration de ce nouvel antagoniste dans le lore de Pirates des Caraïbes. Sans le citer directement, le capitaine Salazar avait été évoqué dans le premier opus. La boucle est donc bouclée, et si l’on omet le quatrième volume qui n’avait aucun rapport avec la trilogie originale, ce dernier volet en est l’héritier direct. On aurait aimé voir davantage certains anciens personnages néanmoins, qui sont en fin de compte plutôt anecdotiques.
En plus du scénario qui s’articule parfaitement dans la continuité, on retrouve un autre élément propre à la saga de pirates de Disney : les séquences dynamiques et spectaculaires qui ponctuent ce nouvel opus.

Des séquences déjà cultes !

Tous les fans se souviennent des séquences mémorables qu’ont déjà pu proposer les films Pirates des Caraïbes par le passé : la première apparition de Jack Sparrow sur un navire en train de sombrer, la transformation en fantôme de l’équipage de Barbossa, l’apparition du Hollandais Volant, l’attaque du Kraken et j’en passe. La Vengeance de Salazar est l’occasion de pouvoir assister à des séquences tout à fait mémorables. Les réalisateurs norvégiens arrivent à combiner inventivité et fantaisie, comme l’avait fait Gore Verbinsky en son temps. C’est bien sûr à Jack Sparrow que l’on doit les plus grandes scènes de ce film : entre un braquage ahurissant (il faut le voir pour le croire ; cette séquence à elle seule mérite largement le déplacement) qui se termine en course-poursuite totalement folle et un passage sur une guillotine, le personnage est bien mieux exploité que lors de sa quête pour la fontaine de Jouvence.

La séquence finale, tel Moïse dans Les 10 Commandements, est également impressionnante. Mélange des genres, à la fois film d’aventure et cartoon, elle brille par son rythme et ses visuels. Et justement, parlons-en des effets spéciaux !

La photographie, les effets et la plastique du film offrent un moment d’évasion

Les effets spéciaux et la qualité artistique de l’ensemble du film sont les grands tours de force de ce nouvel opus de Pirates des Caraïbes. Il n’y a qu’à voir la manière dont Jack Sparrow a été rajeuni pour s’en convaincre. Depuis L’étrange Histoire de Benjamin Button, cette technique s’est affinée. Elle reste encore un poil trop numérique, trop lisse, mais on s’approche d’un rendu extrêmement réaliste. ILM, qui a travaillé sur le film, a utilisé d’anciennes photos de Johnny Depp correspondant à l’époque vers laquelle il fallait le rajeunir. La technique est somme toute assez simple : Johnny Depp joue son rôle et un acteur plus jeune, habillé de la même manière et avec le même maquillage rejoue exactement la même scène. Les images sont alors mêlées en utilisant les anciennes photos de l’acteur pour référence. Cela se fait plan par plan, à la main. Le temps à passer sur cette scène est vertigineux.

L’ensemble du film a profité de l’expertise des magiciens d’ILM. Chaque scène, chaque plan, transpire l’amour que les artistes ont donné à la licence. Après le Hollandais Volant et le Black Pearl, le Silent Mary est le bateau le plus impressionnant de toute la saga. Menaçant, organique et directement issu d’outre-tombe, il domine les scènes où il est présent. On peut saluer les graphistes, les décorateurs, les animateurs et toute l’équipe pour ce travail phénoménal. Autre petit détail : les effets fantomatiques du Capitaine du bateau, Armando Salazar, sont peut-être les moins réussis, mais nous n’allons pas bouder notre plaisir pour si peu, d’autant plus que dans les séquences en mouvement, cela ne représente pas une vraie gêne.

Sinon, que dire de la photo ! Elle est absolument sublime. Les couleurs vives, chaleureuses, donnent un cachet exotique au film et agissent comme une vraie invitation au voyage. Alors que l’on connaissait pourtant les codes de la série par cœur ! Il rompt avec les couleurs bleutées du premier film pour quelque chose de plus lumineux. Cela sied bien à ce chapitre, qui est un vent de fraîcheur et qui se présente à la fois comme la fin d’un cycle et sa renaissance… pour presque tout, sauf là où beaucoup l’attendaient : la musique.

Une Bande Originale sans inspiration qui singe Hans Zimmer

Tout le monde, même ceux qui n’apprécient pas la saga, se souvient du thème de Pirates de Caraïbes. A chaque opus, la Bande Originale ponctue parfaitement l’action en proposant des variations et des couleurs musicales distinctes et reconnaissables. Même la musique de La Fontaine de Jouvence avec ses sonorités espagnoles était réussie. On l’attendait donc ici au tournant, mais sans grande crainte. En réalité, on aurait dû se méfier ! Geoff Zanelli, nouvel arrivant dans la saga, reprend le travail de Klaus Baldet et Hanz Zimmer… et c’est tout. Ce compositeur qui avait déjà réalisé la musique de La Drôle de Vie de Timothy Green pour Disney en 2012 se cantonne au strict minimum. Il se contente de reprendre les compositions précédentes en les réorchestrant très vaguement. C’est particulièrement dommageable puisque le film se trouve automatiquement privé du rythme plus épique qu’il aurait pu avoir. Musicalement, on arrive peut-être au bout de ce que la saga peut nous offrir. Le cahier des charges a été respecté à la lettre sans aucune prise de risque et sans aucune inspiration. Dommage…

Pour conclure

Avec les nombreuses difficultés qu’a subit le tournage, c’est presqu’un miracle que le tout s’emboîte et fonctionne si bien. Tout au long de sa création, les problèmes se sont accumulés. Le film prévu en été 2015 a été décalé en 2017. Le scénario n’était pas bouclé dans les temps et en 2014, il n’était toujours pas prêt. Pendant le tournage, des associations australiennes (lieu du tournage) de défense pour les animaux exigeaient l’interdiction de l’importation de singes devant y figurer tandis que Johnny Depp se blessait à la main… Le bilan est lourd : le tournage a été stoppé pendant 4 semaines et a mis au chômage techniciens et figurants en attendant le retour de Jack Sparrow.
Après son retour, tout ne se passe pas tout à fait comme prévu non plus : l’attitude de Johnny Depp, qui traversait une mauvaise passe, était ingérable et stressait toute l’équipe. Le rythme de tournage est obligé de s’adapter à ses humeurs et producteurs et agents tentaient tant bien que mal de remettre la star hollywoodienne en selle. Johnny Depp subissait de plein fouet la pression inhumaine qu’exercaient les paparazzis sur lui. Pour ne rien arranger, la visite de son ex-épouse Amber Heard compliquait encore plus l’ambiance…

Toutes ces complications ont fait exploser le budget du film et ont apporté de grosses inquiétudes sur la qualité finale du film. Le bilan, plus que positif, est une vraie surprise !

Pirates des Caraïbes : La Vengeance de Salazar, est une invitation au voyage. Il reprend les grands codes des films du genre et se les approprie totalement. Surtout, il boucle de façon satisfaisante la série complète.

Alors, on recommande Pirates des Caraïbes 5 ?

Malgré ses défauts, Pirates des Caraïbes : La Vengeance de Salazar reprend le flambeau de la trilogie originale de manière assez réussie. Le film offre des moments d’anthologie digne de ses aînés (en omettant le 4) avec une séquence d’introduction émouvante et une première apparition de Jack Sparrow des plus réussies. Hélas, son rythme en dent de scie m’a fait décrocher à quelques reprises à mi-chemin. Les personnages très attachants, Carina Smyth en tête, confèrent néanmoins un véritable enjeu et permet au scénario de se réveiller. Il se réserve même le luxe de distiller quelques surprises, alors que je pensais connaître cet univers de pirates par coeur ! Le film est une bonne surprise que je recommande fortement aux fans de la trilogie originale.

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On a aimé

  • La photographie, magnifique ! Un ravissement pour les yeux.

  • Carina Smyth, campée par une Kaya Scodelario brillante

  • Des séquences mémorables : l’ouverture du film, l’arrivée de Jack Sparrow, la bataille finale…

  • Le retour de personnages qui m’ont manqué…

On n’a pas aimé

  • … même si le retour de ses personnages est très limité

  • Un scénario prétexte, factice, qui sert de faire-valoir aux personnages

  • Salazar : la bonne idée mais mal exploitée

  • Mais où sont passées les musiques iconiques que chaque film arrivait à proposer ?!