Critique de Deadpool 2, un film hystérique mais inoffensif
Réalisé par : David Leitch
Bande Originale : Tyler Bates
Durée : 1h59 min
Sortie en France le : 16 mai 2018
Deux ans après avoir fait un carton dans les salles, Wade Wilson et son alter-ego Deadpool reviennent avec la même verve insolente qui avait fait le succès du premier film. En marge des productions Marvel Studios, la 20th Century Fox récidive avec un film aux antipodes du genre. Ça clash, ça insulte, ça charcute et ça tronçonne… Ryan Reynolds remet le couvert, toujours inspiré par le personnage et se donne à fond. Hélas, en cherchant l’outrance à tout prix, la structure et la construction du film sont mises à mal. Voici la critique de Deadpool 2, l’enfant insolent qui devrait parfois tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler.
Une histoire délirante mais qui met du temps à se lancer
Succès inattendu, le premier Deadpool, « petit » film au petit budget, a été un immense succès au box-office lors de sa sortie en 2016. Les fans ont été vite conquis et un véritable culte lui a été tout aussi rapidement attribué. Loin des autres super-héros, son ton déjanté, violent et gore, presque sans concession, lui ont permis tout aussi rapidement de se voir commander une suite. Il faut bien avouer que le métrage porté par Tim Miller était alors une vraie anomalie par rapport à l’ensemble de la production super-héroïque. Pour sa suite, c’est David Leitch (Atomic Blonde, John Wick) qui est à la réalisation tandis que Ryan Reynolds reprend dans le rôle titre devant la caméra… et derrière la caméra, puisqu’il est à la fois producteur et scénariste.
Parlons-en, justement, de son scénario. Dès le début du film, les cartes sont redistribuées pour mettre à mal la vie de Wade Wilson. L’introduction bancale l’entraînera de situations en situations, à faire la connaissance de Russell, un adolescent à (gros) problèmes, campé par le Néo-Zélandais Julian Dennison. Comptez une heure avant que l’histoire ne débute vraiment et que les enjeux se mettent réellement en place. A vrai dire, on a plus l’impression d’assister à un enchaînement de sketchs pipi-caca qu’au déroulement d’une vraie intrigue.
Les personnages ont véritablement du mal à exister, face à un Deadpool qui a pris en assurance et qui n’arrête jamais de parler. Le scénario met trop longtemps à prendre forme et l’ennui pointe parfois, surtout quand il récidive avec la même structure que l’original, la saveur en moins. Le générique de début est la preuve symptomatique du mal qui gangrène le film. Le premier revisitait de manière amusante et maline les clichés des super-héros et des blockbusters pour s’en moquer gentiment, en brisant allègrement le quatrième mur et en servant de bon effet narratif. Pour sa suite, même tentative… mais cette fois, cela ne passe pas. En voulant parodier les ouvertures des James Bond, la sauce ne prend pas. Plus n’est pas toujours mieux et on se retrouve très souvent face à un film qui tient plus de la parodie.
Reste un film qui peut amuser si l’on arrive à faire obstacle à son manque de construction. Quelques répliques font mouche, quelques situations dénotent même parfois par leur jusqu’au-boutisme, notamment celle où la X-Force effectue un parachutage mouvementé. Une certaine sympathie se dégage même par des clins d’œil constants vers le public. Ceci étant, il ne finit plus que par vivre dans l’ombre des cadors du genre qu’il ne cesse jamais de pointer. Quelle identité peut-on donner à un film qui ne vit que de la référence aux autres ? Il est voué à ne jamais exister par lui-même et l’épreuve du temps fera inévitablement un ravage sur lui. Le film s’apparente comme un adolescent en plein dans l’âge bête. Attachant, mais infantilisant. Espérons qu’il gagne en maturité pour le prochain opus… Face à Avengers : Infinity War, qui réinvente le genre, le petit Deadpool ferait bien de retourner à l’école pour l’étudier et en tirer quelques leçons.
Un rôle principal qui prend beaucoup (trop) de place et des rôles secondaires de luxe
On ne va pas revenir sur l’interprétation de Ryan Reynolds, investi du rôle et qui cabotine à merveille. Dommage que l’écriture ne le sied pas davantage : à force de vanner tout le monde, il se transforme en un avatar sans vie et sans filtre, à travers qui l’on fait enchaîner blagues sur blagues. Pourtant, de nombreuses tentatives sont faites pour lui donner un peu plus d’épaisseur, avec des séquences émotions qui viennent de temps en temps ponctuer le film, surtout au début et à la fin. Le public est là spécifiquement pour le voir dire des grossièretés et en rire, mais quand même !
Des airs de buddy movie viennent également s’intégrer, en reproduisant la dynamique du héros et de son acolyte et quelques duos inattendus sont formés dont celui de Deadpool et Domino, très réussi. Alors que Deadpool est immortel, Domino a le « pouvoir » d’altérer les probabilités pour avoir toujours de la chance. A l’écran, cela se transforme en des séquences que Tex Avery n’aurait sans doute pas reniées : les corps sont maltraités et déformés, les situations deviennent cocasses… Ensemble, les séquences d’action deviennent folles et hystériques, et on se doute bien de l’amusement qu’a du éprouver le réalisateur à mettre en scène une pareille alchimie. Dommage que Domino ne soit pas plus explorée…
Aussi charismatiques qu’ils soient, les personnages secondaires sont assez peu développés. Cable, campé par Josh Brolin déjà vu dans Avengers : Infinity War (décidément) est plein de charisme, avec un personnage ambigu et déterminé. Diamétralement opposé à Deadpool, il est un bon contrepoint à la lourdeur comique qui envahie toutes les scènes. On a la sensation qu’il aurait pu être un peu plus exploité… Même remarque pour Colossus (Stefan Kapicic) que l’on connaissait déjà du premier opus et qui ne sera pas approfondi pour autant dans cet épisode. Ne parlons même pas de Negasonic Teenage Warhead (Brianna Hildebrand), presque reléguée au rang des caméos (à propos de caméos, il y en a un de particulièrement truculent que l’on vous laisse découvrir). Deadpool est tellement présent qu’il éclipse tous les autres personnages, relégués à des rôles secondaires de luxe…
Un film corrosif, mais inoffensif
Ce que l’on retient de ce Deadpool 2 est un film bourré de grossièretés bas du front, de violence souvent gratuite qui appuie là où cela fait mal : racisme, misogynie, communautarisme… tout est prétexte à la rigolade. Le film s’amuse à tirer à boulets rouges sur les clichés pour s’amuser d’eux. On appréciera ou pas le style, mais en fin de compte, cela reste indolore et inoffensif.
Techniquement, il tient la route avec un montage dynamique et hystérique. La photographie ne fait pas d’éclat mais s’avère efficace. On ne peut pas qualifier le film de particulièrement beau, mais il fait suffisamment bien son job pour maintenir le spectateur en éveil… et avec un scénario qui met si longtemps à décoller, ce n’est pas une mince affaire. Les effets numériques sont quant à eux assez décevants, la CGI des séquences d’action se voyant comme le nez au milieu du visage. Il y a recourt en plus assez souvent. Est-ce gênant ? Non, dans la mesure où le film ressemble de toute façon à un gros cartoon débridé.
En fin de compte, Deadpool 2 a de gros problèmes de régularité, pouvant passer du tout juste passable au bon en quelques minutes. Avec ses grosses lacunes scénaristiques, son propos répétitif, son humour puéril, c’est sa bonne humeur qui finit par le sauver. Rien de nouveau sous les tropiques et nettement moins bon que le premier… reste que ce nouveau film sait faire le taf pour les amateurs du genre, mais il ne faut pas trop lui demander non plus. Son seul vrai coup d’éclat est une scène de mid-générique délirante qui vaudrait presque à elle seule le déplacement en salle.
Alors, on recommande Deadpool 2 ?
Si des mots grossiers toutes les minutes et les références sous forme de private jokes vous font rire, vous allez probablement aimer. C’est à vrai dire un spectacle un peu idiot, qu’on a parfois l’impression d’être resté coincé au stade anal, mais Ryan Reynolds a une bonne humeur suffisamment communicative qui sauve le film. On aimerait que le prochain opus soit plus intelligent et que la crise d’adolescence de Deadpool soit enfin passée, mais on en doute, tant cet épisode s’efforce de suivre un cahier des charges balisé sans prendre aucun risque et sans s’éloigner de son modèle d’origine. C’est l’histoire du serpent qui se mord la queue…
On a aimé
La X-Force
La scène de mid-générique
Ryan Reynolds qui s’amuse et qui cabotine
On n’a pas aimé
Des rôles secondaires peu développés
Un humour bas du front
Trop de références à la pop culture aux dépens de sa propre identité
Les effets spéciaux généralement ratés et mal intégrés