Cars 3, une profonde remise en question et une rétrospective sur l’oeuvre de Pixar
Réalisé par : Brian Fee
Scénario de : Bob Peterson,
Kiel Murray et Mike RichBande Originale : Randy Newman
Durée : 1h49 min
Après une carrière fulgurante et triomphante, Flash McQueen voit toute sa vie remise en question après un accident dramatique. Pour prouver aux autres, et surtout à lui-même, qu’il n’est pas dépassé et que sa carrière n’est pas encore arrivée à son terme, il devra faire preuve d’ingéniosité et d’énormément de courage. Pris en charge dans un nouveau programme d’entraînement, il y fera la connaissance de sa coach Cruz Ramirez qui volera à son secours.
Des thèmes matures pour de profondes réflexions sur le temps qui passe
Après un Cars 2 en demi-teinte, sonnant pour beaucoup comme le premier vrai échec du studio à la lampe, on était en droit de redouter le retour de Flash McQueen et tous ses amis de Radiator Springs. Pour cette nouvelle aventure, nous laissons de côté le film d’espionnage alambiqué mené par la dépanneuse totalement insupportable, Martin, pour retrouver la tonalité du film original de la franchise. En parfaite cohérence avec celui-ci, le propos est à présent inversé. Flash, qui avait fait ses débuts sur la scène en 2006, se retrouve dans la position occupée à l’époque par son mentor Doc Hudson. La première question, fondamentale, que pose le film est alors limpide : que faire lorsque nous sommes à bout de course ? Doit-on chercher à tout prix à repartir ou ne vaut-il pas mieux baisser les armes et laisser les plus jeunes prendre la relève ?
Les questionnements se rapprochent ainsi de ceux posés dans l’opus original, en parfaite cohérence. Il rappelle ainsi fortement la construction et le point de vue de certains films sportifs, Rocky Balboa en tête. Il résonne ainsi fortement dans l’inconscient des plus âgés et se permet de proposer la fameuse double lecture chère à Pixar. Opus le plus profond et émouvant de la saga, il dépeint un héros dépassé et en pleine remise en question. Flash subit un changement considérable et son caractère n’a plus rien à voir avec le premier volet de la franchise. Il en devient même son antithèse.
Face à Cruz Ramirez, sa coach, le contraste est encore plus flagrant. Enjouée, dynamique et positive, elle le prend pour un vieux dinosaure. Bien qu’un peu trop présente et encombrante au début du film, le personnage s’épaissit au fur et à mesure. Elle renvoie au début de Flash par bien des égards, tandis que notre bolide préféré se retrouve cerné face à ses démons.
Autre élément notable du film, le célèbre Doc Hudson signe son retour sous forme de flashbacks. Sa présence hante le film à chaque instant et lui donne un goût nostalgique et mélancolique. Flash gagne alors en humilité et en consistance, jusqu’à devenir finalement l’un des héros Pixar les plus profonds.
Enfin, Jackson Storm, l’antagoniste de Cars 3, n’est qu’un outil scénaristique pour forcer le destin de notre voiture préférée. Sorte de McGuffin, il n’est pas franchement intéressant et trop prévisible pour que l’on s’attarde réellement sur lui.
Des graphismes époustouflants, comme c’est la coutume avec Pixar
De Cars 2, on se souvient essentiellement des graphismes et de l’inventivité graphique qui ponctuait la lourdeur du scénario. Cet esprit est heureusement conservé pour cette suite et de nombreuses trouvailles et délires graphiques restent présents.
L’évolution se fera cette fois au niveau des courses, filmées comme si le spectateur y était immergé. La caméra se place ainsi souvent sur le bord des roues, pour faire ressentir la vitesse des véhicules. Elle se place stratégiquement au niveau des tribunes ou au bord de la piste pour nous faire vibrer. Les effets de particules sur le bitume, sur le frottement des roues et des matières donnent une sensation de réalisme peu commune.
Le film use de procédés employés normalement pour des prises de vues réelles : changement de focal, flous, zooms, variation de la taille des plans… Les couleurs ont droit à un traitement similaire. Lors des séquences de flashback, les couleurs et la tonalité changent du tout au tout, pour se rapprocher de celles utilisées au cinéma lors des années 50. Les animateurs ont même décidé d’ajouter du grain dans l’image, pour simuler la pellicule. Mention spéciale également pour la boue, très difficile à rendre correctement lors de l’animation en image de synthèse.
C’est du grand art et jamais un Pixar n’avait paru aussi raffiné.
Une bande son un peu en retrait
Nous avons donc un scénario réussi, des personnages globalement attachants, des graphismes d’une rare qualité… tout serait donc quasiment parfait ? Malheureusement, pas tout à fait. La bande originale du film, composée par un Randy Newsman fatigué, est en demi-teinte. Elle sert le propos, permet de le mettre en valeur selon les situations, mais jamais elle ne fait d’étincelles. Elle est le résultat du mélange entre le premier opus et le second. On revient cette fois à des sonorités purement américaines, mais on n’y retrouve pas le charme de la franchise. Elle paraît plus mécanique, répondant sans grande conviction à un cahier des charges imposé. On retrouve quelques noms connus dans la franchise avec Brad Paisley pour Find Yourself, tandis que ZZ Ward chante pour le titre phare du film, Ride, mais reste loin de l’énergie débordante de Sheryl Crow dans Real Gone. En tant que tel, rien de vraiment dramatique, mais la musique et les chansons sont clairement décevantes.
Tandis que le reste du film brille et se place comme le meilleur opus (de loin !) de la franchise, la musique est un petit cran en-dessous. Dans tous les cas, impossible de bouder son plaisir et cette renaissance est aussi surprenante qu’inespérée !
Un dernier mot qu’il me paraissait important de souligner. Si l’on omet l’univers des voitures qui parlent et de cette naïveté apparente (encore que…), c’est comme si Pixar lui-même jetait un regard sur sa filmographie passée.
Le studio sait pertinemment avoir connu un accident de parcours avec Cars 2. Certains de leurs fans se sont détournés en leur adressant des critiques virulentes et souvent bien injustifiées. Cars 3 est la réponse à ce semi-échec. La preuve qu’ils ont appris et retenu la leçon. Le scénario audacieux agit comme une lettre noble adressée à ses anciens fans, comme une catharsis, pour montrer qu’ils sont toujours dans la course et qu’ils ont une longueur d’avance sur leurs concurrents. Pixar est là pour durer, pour se réinventer sans cesse et toujours.
Alors, on recommande Cars 3 ?
J’ai envie de crier Hallelujah ! Cars renaît de ses cendres et a même l’audace de proposer une réflexion profonde sur le temps qui passe et le changement des générations. Alors, qu’on soit clair, il n’y a rien de bien original, mais sa virtuosité graphique et les personnages attachants du film font mouche. Pixar se permet même une auto-critique, comme s’il s’agissait d’un regard critique que le studio faisait sur l’opus précédent. Ils ont retenu la leçon et d’un oeil éclairé ils se sont permis de mettre en scène cette remise en question. Une vraie leçon d’humilité pour l’ensemble des studios hollywoodiens très prétentieux et incapables de comprendre leurs erreurs.
On a aimé
Une certaine mélancolie, proche des émotions de Cars 1
Les graphismes et ses effets de particules
Flash McQueen gagne en profondeur et devient un des personnages les plus intéressants de la filmographie de Pixar.
On n’a pas aimé
Jackson Storm, un antagoniste « prétexte » sans épaisseur
La musique et la bande originale, sans grande inspiration